Une rupture de paradigme

Une rupture de paradigme

Il est 7 h 30, je suis allée courir dehors, j’ai pris un bon déjeuner et je suis prête à commencer ma journée de travail. Enfin, c’est ce que j’ai fait dans mon monde imaginaire avec tout ce temps supplémentaire que j’ai gagné en télétravail ! En réalité, j’ai pris un café et je suis devant mon écran d’ordinateur, car j’ai une réunion qui a été fixée plus tôt ce matin. Rien d’anormal jusqu’ici, car comme la plupart des gens qui sont en télétravail, la présence de mon ordinateur sur la table en tout temps a modifié un peu mon horaire de travail. Le problème, c’est que les jours où je n’ai pas à sortir pour le travail, je ne sors pas vraiment et je reste devant mon écran du matin jusqu’au soir et ce ne sont pas mes journées les plus productives. Alors je me demande comment font tous ses employés qui sont obligés de le faire tous les jours.

Personnellement, je trouve plus fatiguant d’enfiler une réunion virtuelle après l’autre et de continuer à travailler sur le même outil de travail par la suite, que de me déplacer pour aller voir mes clients pendant la journée. On commence d’ailleurs à voir de plus en plus d’information circuler sur la fatigue numérique. Je présume que c’est une question de personnalité, car lorsque j’ai questionné les chefs d’entreprises avec qui je travaille sur cette nouvelle problématique et sur la position de leurs employés vis-à-vis le télétravail, les réponses étaient vraiment très variées. Si certains employés adoraient le télétravail au début, là ils n’en peuvent plus, alors que d’autres y ont pris goût. Je croyais à tort que c’était une question d’âge, que les plus jeunes pousseraient vers un retour au travail, beaucoup plus en manque de socialisation. Il faut croire que non, les sondages effectués en entreprise démontrant que très peu d’entre eux souhaitent revenir en présentiel sauf pour un 5 à 7 ou une activité d’équipe. Alors que faut-il faire pour motiver nos employés à revenir au travail?

Avec un assouplissement des règles sanitaire, le gouvernement a annoncé pour sa part la fin de l’obligation du télétravail et un retour progressif en présentiel à compter du 15 novembre 2021. Beaucoup d’entreprises devraient emboîter le pas, mais ce n’est pas évident d’imposer quoi que ce soit aux employés dans un contexte de pénurie. La rétention de la main-d’œuvre est déjà un défi en soit, alors imaginez avec les employés embauchés virtuellement pendant la pandémie et qui n’ont pas développé de sentiment d’appartenance. À la radio dernièrement, j’entendais que les deux tiers des employés ne pourraient pas reconnaître leur collègue de travail s’ils les croisaient au magasin, même s’ils ont travaillé ensemble pendant des années, alors imaginez s’ils ne se sont jamais vus en personne!

Malgré tout, l’attrait du bureau dédié semble avoir encore une certaine valeur! En effet, afin de revoir leurs besoins et essayer d’optimiser les pieds carrés, plusieurs entreprises vont offrir un mode hybride entre le télétravail et le présentiel. Toutefois, pour faciliter cette flexibilité, il sera plus difficile d’avoir son bureau fermé personnel ou encore son poste en aire ouverte dédié. Une idée serait d’encourager ceux qui reviennent à temps plein (4-5 jours/semaine) en leur offrant cette valeur ajoutée et d’offrir aux autres plus de salles de rencontre, d’opportunité de rencontre d’équipe pour justifier un déplacement vers le bureau.

Mais un autre problème reste à régler : le stationnement. Si, pour ceux situés à Lebourgneuf, la question ne se pose pas, ceux qui avaient des stationnements payants ont mis fin à leur contrat et je ne connais personne prêt à payer une carte mensuelle plein prix pour aller au bureau 2 fois par semaine. Ce n’est pas plus intéressant de payer le prix journalier de 10-12 $ chaque fois qu’on doit aller travailler. Maintenant, ce coût est devenu une vraie dépense pour l’employé, ce qui peut freiner un retour au travail. Heureusement, la plupart des bailleurs et compagnies de gestion de stationnement sont conscients du problème et travaillent actuellement sur des options, comme la passe «multi-jours» offerte par Indigo ou encore l’abonnement mensuel DUO, pour n’en nommer qu’un, offert par la Société Parc Auto du Québec (SPAQ) aux employés de l’état.

Je souhaite ardemment que cette pandémie soit dernière nous, mais le télétravail lui est là pour rester. Les entreprises devront user de créativité et de flexibilité pour garder leurs employés motivés et peut-être instaurer des politiques un peu plus strictes sur les réunions virtuelles, par exemple : limiter la quantité/jour ou la durée d’une rencontre, s’assurer de donner un minimum de temps entre chaque rencontre, essayer de respecter les heures de dîner à moins de terminer plus tôt ou accepter que les employés puissent assister à une formation sur leur vélo stationnaire ou encore leur tapis roulant! C’est connu le mouvement stimulerait davantage la créativité, réduirait le stress et cela pourrait sûrement aider à contrer la fatigue numérique. Il faut se réinventer, car le marché du travail a évolué en mode grand V pendant la dernière année, et pas uniquement au niveau de l’utilisation des pieds carrés! On fait face à une rupture de paradigme… à suivre!

Marie-Jasmine Cantin Obando

Courtier immobilier agréé