L’impact du télétravail

L’impact du télétravail

En mars 2020, le confinement est arrivé comme un tsunami. Ce qui était alors « impossible » pour plusieurs entreprises est devenu la réalité : le télétravail était devenu la seule option pour les maintenir en vie. Malheureusement, même cette solution de dernier recours n’a pas permis de sauver tout le monde. Les appréhensions envers le télétravail étaient nombreuses : baisse de productivité, beaucoup plus de distractions, moins de surveillance, etc.  On ne pensait même pas aux risques reliés à l’utilisation d’une technologie non sécurisée pour l’accès à distance, aux ordinateurs mal configurés et aux postes de travail inventés sur le coin de la table à manger.

Était-ce si épouvantable ? Non, pour plusieurs employeurs, il y a eu une réduction de l’absentéisme et des retards ainsi qu’une diminution des frais généraux et des  dépenses courantes. À l’opposé, ceux-ci se retrouvaient avec un immense local vide coûtant très cher, car ils continuaient de payer leur loyer, obligation du bail qu’ils avaient signé. C’est entre autres pour cette raison que nous ne voyons pas un impact immédiat sur le marché, exception faite des quelques entreprises qui avaient un bail se terminant fin 2020/début 2021 et qui ont décidé de s’en aller 100 % en télétravail pour le moment. L’impact sera plus subtil pour les bailleurs de tours de bureaux. On commence déjà à voir s’accumuler les sous-locations, les restructurations de baux, le statu quo de plusieurs et la rétrocession pour certains. Mais tout ne se fera pas en même temps. Inévitablement, le taux d’inoccupation va monter et l’absorption diminuer.

Pour plusieurs employés, ça ressemble à une lune de miel : ils sont heureux d’être à la maison. En effet, lorsque la qualité de vie des salariés est bonne, leur motivation et leur implication s’accroissent. Ils n’ont plus besoin d’utiliser leur véhicule pour se rendre au travail, ce qui leur fait gagner temps et argent et leur offre la possibilité de faire encore plus de rencontres virtuelles dans une journée qu’à l’habitude. Ils bénéficient aussi d’un horaire de travail beaucoup plus souple en étant moins liés aux impératifs inhérents au transport tels que le trafic en heure de pointe. Les employés deviennent également plus autonomes et responsables, car ils organisent eux-mêmes leur emploi du temps. On peut également mentionner le fait que ceux-ci ne sont pas constamment déconcentrés par ce qui se passe autour d’eux, ce qui est très problématique dans les bureaux à aires ouvertes qui sont d’ailleurs très répandus aujourd’hui. La conciliation travail-famille se voit aussi grandement améliorée, ce qui est très important pour beaucoup d’employés.

Le télétravail comporte tout de même plusieurs côtés négatifs. Par exemple, l’embauche, la formation et l’intégration des nouveaux employés deviennent beaucoup plus complexes. Parfois, la technologie utilisée est mal adaptée face à cette nouvelle réalité : il peut y avoir une lenteur de connexion au réseau informatique ou l’équipement fourni par l’employeur peut s’avérer être désuet ou de moins bonne qualité. De plus, les espaces et le mobilier de bureau utilisés par les télétravailleurs sont très rarement adaptés de façon optimale ou ergonomique. Par exemple, les gens utilisent une chaise non ajustable, travaillent dans leur salle à manger, adoptent une mauvaise posture, etc. Le télétravail amène aussi son lot de problèmes en ce qui concerne la santé physique et mentale et la sédentarité des employés. De plus, une fois habitués, on s’en permet un peu plus et on tombe dans certaines distractions : le ménage, les réseaux sociaux, etc. Certains peuvent également se sentir isolés ou seuls, car il y a désormais absence d’interactions spontanées avec les collègues. L’esprit d’équipe de même que la culture d’entreprise se voient dilués par le fait même. Les célébrations se font également beaucoup plus rares ou de manière virtuelle. En fait, il s’agit ici d’un des éléments les plus importants pouvant entraîner un cercle vicieux.

En 2009, 40 % des employés de la société IBM étaient en télétravail. Après quelques années, elle décide de rapatrier des milliers d’employés dans ses bureaux pour remédier aux problèmes de communication que le télétravail avait créés 1. Comment bâtir une relation optimale avec un collègue ou un patron si on ne le connait pas? Comment établir la confiance sans relation? Selon l’expérience d’IBM, la confiance entre deux personnes qui travaillent ensemble est essentielle pour optimiser la communication, la créativité et la production. La socialisation « en personne » est donc nécessaire pour bâtir ce lien et éventuellement ment cette confiance. Vous rappelez-vous l’émotion que vous aviez lorsque votre patron avait mis sa main sur votre épaule en même temps qu’il vous disait que vous aviez fait un bon travail? Certes, la communication verbale est maintenue via les plateformes de communication virtuelle. Malheureusement, la communication non verbale ne l’est pas. Celle-ci est pourtant essentielle et permet de comprendre une autre partie du message, une intention ou une émotion. Nous avons déjà des difficultés à interpréter une émotion ou un ton à la lecture d’un courriel ou d’un texto. C’est un peu similaire quand on ne peut pas lire le langage non verbal. C’est, entre autres, pour cette raison que de grosses entreprises comme IBM et Yahoo n’ont pas maintenu le télétravail dans le passé.

Alors, une fois cette bête féroce disparue, est-ce que le télétravail est là pour de bon ? À notre avis oui, mais pas à 100 %. Comment planifier l’avenir de l’utilisation des espaces à bureaux ? Le retour des employés au bureau avec des mesures de distanciation physique s’avérera un défi de taille. Il faut néanmoins noter que certains postes demeureront complètement en télétravail et que d’autres seront établis selon les politiques des entreprises : peut-être une semaine sur deux ou encore les mardis et jeudis pour l’équipe de marketing et les lundis et vendredi pour les ventes, par exemple. L’important, c’est que les équipes qui travaillent ensemble puissent se voir plus  régulièrement et qu’il y ait intégration avec les autres. Il y aura un partage planifié des espaces de travail et certaines entreprises pourraient retirer le concept de bureaux fixes aux employés. Ceux-ci s’installeront à un endroit libre chaque fois qu’ils se présenteront au bureau, avec toutes les mesures de distanciation et de désinfection nécessaires. Une fois que toutes ces mesures seront chose du passé, on pourra augmenter le nombre de personnes, mais on conservera assurément un pourcentage d’employés en télétravail. Ceci permettra aux entreprises de diminuer leur superficie et de réduire leur coût d’occupation. Toutefois, il ne faut pas se leurrer, ces mesures pourraient augmenter les dépenses à d’autres endroits.

Il ne faut jamais gaspiller une « bonne crise », aurait écrit Winston Churchill. Alors que doit-on retenir? Le travail en présentiel à 100 % ne sera plus la tendance du jour : les employeurs devront s’adapter pour attirer et conserver les meilleurs talents et il faudra redonner confiance aux gens. Pour conclure, l’impact du télétravail va être sournois. On commence uniquement à voir ceux qui en subissent les conséquences, comme le nettoyeur, l’atelier de couture et le café du coin qui avaient positionné leur service en fonction d’un achalandage. Même chose pour le gestionnaire du stationnement qui n’est plus utilisé. Les quelques expansions possibles feront suite à des acquisitions, car il n’y a pas que des perdants à cette crise. Il y aura plusieurs renouvellements à court terme, car il faut gagner du temps afin de mieux réévaluer nos besoins et s’adapter à cette nouvelle réalité. L’histoire l’a prouvé, ce n’est pas le plus fort qui survit, c’est celui qui réussit à s’adapter.

•Note :
1. Source : https://www.forbes.com/sites/
carolkinseygoman/2017/10/12/why-ibmbrought-remote-workers-back-to-the-officeand-why-your-company-might-be-next/

Marie-Jasmine Cantin Obando

Associée

Courtier immobilier agréé

Bender et associés