Aménagement de vos locaux : Tendances et attentes post-crise

Aménagement de vos locaux : Tendances et attentes post-crise

À titre de dirigeant d’organisation, vous êtes à planifier le retour de cette pause obligée et les contrecoups de celle-ci à divers niveaux. Les retours à l’emploi de la main d’œuvre, les obligations (ex. : les prêts, les salaires, les loyers), le développement prévu, ou encore, le retour à la normale quant aux revenus ne sont que quelques éléments d’incertitude palpables. Il y aura évidemment aussi des répercussions à l’intérieur même de vos milieux de travail.

En effet, de quelle façon les gestionnaires devront-ils agir, aux cours des prochains mois ou même années, afin d’être optimaux dans ce contexte? Voici des pistes de réflexion et des stratégies possibles à adopter quant aux locaux corporatifs et plus spécifiquement, aux espaces à bureaux.

Les grandes tendances en aménagement intérieur des récentes années (dues aux coûts en croissance des loyers, des salaires et des travaux d’aménagement) étaient principalement basées sur la réduction des superficies, les aires ouvertes, la qualité de l’environnement et le confort des employés.

Toutefois, quels seront les effets du télétravail, accru par la pandémie, sur les entreprises et leurs effectifs en opposition aux habitudes antérieures? Certains y verront un avantage indéniable à la flexibilité que demandera un retour progressif aux locaux ou un moyen de faire face à la distanciation nécessaire pour la sécurité des employés. Peut-être même une façon de réduire leur empreinte ou encore, d’économiser sur les investissements en immobilier et en mobilier. D’autres y verront des inconvénients à la productivité et à la synergie (gestion et accessibilité des ressources, délai de réaction-réponse, contact humain versus l’isolement, etc.).

 

Quelles sont les conséquences appréhendées sur les changements sociaux post-COVID dans nos environnements de travail et quels virages pourraient être entrepris par rapport à ceux-ci?

 

Selon M. Normand Hudon, architecte senior principal et associé à la firme Coarchitecture, il n’est pas certain que la distanciation demeure un enjeu à long terme. Malgré le fait que le droit de réinvestir les milieux de travail est imminent, les mesures de protection proposées par les différents experts ne feront que ralentir la progression des infections. Monsieur Hudon ne pense pas que les gens d’affaires seront enclins à investir beaucoup d’argent à long terme sur des mesures qui ne fonctionnent que partiellement.

 

NH : « En tant que stratégiste du milieu de travail, je préfère laisser la définition des mesures temporaires aux autorités comme la CNESST (1guide de normes sanitaires recommandées pour le retour en milieu de travail). Ce qui m’intéresse, c’est comment la crise que nous vivons actuellement va influencer le milieu de travail de demain. Si je dois faire une prévision, elle sera fondée sur l’hypothèse que le besoin de se distancer ne perdure pas à moyen ou long terme. S’il s’avère que la distanciation est nécessaire à long terme, on devrait d’abord s’attarder au problème des aires communes d’immeubles avant celui des bureaux. S’il faut limiter la capacité des cabines d’ascenseur à une personne, on peut penser que les bureaux en hauteur vont vivre une réintégration plus difficile, car il faudra faire la queue de longues minutes pour accéder à son milieu de travail. Si on poursuit dans cette logique, les étages facilement accessibles par des escaliers vont devenir plus attrayants, adaptables et tous les fleurons de l’immobilier des grands centres urbains qui sont construits en hauteur vont perdre leur valeur, voire leur utilité. Je crois qu’avant que la densité des aménagements diminue pour permettre aux gens de garder leurs distances en tout temps, on va inventer de l’équipement de protection personnelle confortable et esthétique que les gens vont porter pour circuler en allant au travail.

Si au contraire, dans un futur pas si lointain, le besoin de se distancer est relégué au statut de risque acceptable, on va probablement maintenir des ratios de densité similaires à ce qui se faisait en début 2020. Je crois que le changement qui avait déjà cours, mais qui va s’accélérer, est davantage le recours des entreprises à la technologie. »

 

Certes, des changements ou adaptations à court terme des espaces à bureaux seront nécessaires. Nous croyons cependant que les solutions rapides, facilement implantables et moins coûteuses que le remplacement complet du mobilier ou un réaménagement des espaces avant terme, seront privilégiées par les preneurs de décisions à un remaniement des infrastructures. On peut penser au réaménagement de la circulation, l’ajout de signalisation, l’isolement des postes de travail et de leurs occupants par des séparateurs translucides ou les traditionnels paravents, ou encore, les horaires alternatifs.

 

Est-ce que les entreprises vont favoriser une continuité du télétravail de façon étendue, hybride/intermittente ou exiger une présence physique à ses effectifs à moyen terme?

 

NH : « Le télétravail est certainement l’outil de distanciation par excellence. Il permet de préserver la productivité dans une certaine mesure, tout dépendant du secteur d’activité et des tâches à accomplir par les télétravailleurs. Cependant, en règle générale, ce n’est pas encore l’outil le plus performant pour permettre à une entreprise de se développer. Pour la majorité des entreprises, le télétravail crée un déficit de transfert de connaissances, de créativité et de bénéfices liés à la collaboration, entre autres, en plus d’éroder le sentiment d’appartenance de certains employés à l’organisation. »

 

Puisque les investissements en technologie et logistique ont déjà été faits en grande partie, les organisations devront profiter des circonstances afin d’analyser leur façon de faire dans l’avenir.

 

Est-ce que nous assisterons, à moyen terme, à une augmentation de l’empreinte des locaux et des postes de travail afin de favoriser la distanciation?

 

NH : « L’industrie immobilière ne s’y opposera pas, mais je ne pense pas que ça va arriver. Il faudrait d’abord que la distanciation demeure nécessaire sur le terme des baux, ce qui est loin d’être certain. La solution est ailleurs, selon moi. »

 

Est-ce que la tendance sera de revenir aux bureaux fermés ou à de grands postes en aire ouverte munis de paravents en hauteur?

 

NH : « Avec les moyens de communication et les technologies d’aujourd’hui, je ne vois pas d’avantages à payer plus cher pour des espaces qui imposent d’importantes limitations, autant physiques que psychologiques, à la collaboration et où les communications reposent essentiellement sur les TI. Cette logique amène à privilégier le télétravail à mon avis. »

 

Selon l’expert architecte, le milieu de travail a pour but de susciter l’appartenance des employés à une organisation qui pourra ensuite bénéficier de leur créativité et de leur productivité, notamment en favorisant les communications et la collaboration. Cristalliser des stratégies de distanciation dans un milieu de travail lui ferait perdre sa raison d’être. Selon l’hypothèse à laquelle la majorité s’attend, où la pandémie se terminerait avant la première moitié de 2021, M. Hudon prédit que le milieu de travail axé sur les activités (MTAA) et le poste de travail non assigné demeurera la voie de l’avenir. Le concept devra cependant être accompagné de mesures d’hygiène appropriées. Il est aussi permis de penser que les normes de qualité concernant l’entretien ménager quotidien des locaux et le nettoyage périodique des systèmes mécaniques seront rehaussées. Ce qui serait une bonne chose selon monsieur Hudon, car même avant la COVID, ces aspects faisaient souvent défaut. La découverte des vertus du télétravail a fait réaliser à plusieurs dirigeants qu’ils pourraient réduire leurs superficies occupées à l’avenir. L’atteinte de cet objectif passe selon lui par le modèle du MTAA qui permet typiquement de faire des gains de 20 à 40 % à ce chapitre sans modifier la densité. Pour y arriver, l’occupant doit accepter la stratégie du poste non assigné. De façon opposée, il est aussi possible avec cette stratégie de conserver des superficies locatives similaires tout en réduisant la densité pour favoriser la distanciation.

 

NH « Pour plusieurs entreprises, le télétravail est l’outil par excellence pour mitiger le risque d’un futur épisode de distanciation imposée par les autorités à cause d’une pandémie. Un MTAA conçu sur mesure pour répondre aux besoins spécifiques de l’entreprise fonctionnera main dans la main avec le télétravail. Le principal défi est de gérer adéquatement ce changement majeur, ce qui peut être fait dans le cadre d’un processus structuré de planification de la stratégie du milieu de travail. On peut penser que la COVID vient d’abattre une bonne partie de la résistance à ce changement. C’est ce qui, selon moi, poussera les entreprises à améliorer leur aménagement pour devenir de plus en plus performantes. »

 

Avant la COVID, la flexibilité des environnements de travail était l’une des principales qualités recherchées par les entreprises. En post-COVID, cette flexibilité aura encore plus de valeur selon l’associé de la firme Coarchitecture. À la lumière des échanges, les locataires corporatifs et les propriétaires occupants ne devraient pas réintroduire des méthodes défectueuses ou inefficientes d’aménagement, mais plutôt miser sur des stratégies d’aménagement qui contribueront à renforcer une culture d’organisation axée sur la collaboration, la créativité et l’innovation. La réintégration des lieux loués et les nouvelles contraintes sociales semblent être davantage les réalités auxquelles il faudra s’adapter. Offrir des aménagements de qualité et un milieu de vie groupé intéressant ne seront possiblement plus les seuls éléments à garder en tête lorsque nous parlerons de stratégie immobilière dans les prochaines années.

En résumé, avec tous les enjeux de main-d’œuvre et les nouvelles réalités, vous viserez à faire de votre loyer un investissement et de vos locaux, un allié. Vous aurez avantage à être à l’écoute du nouveau schème social, à réévaluer vos besoins, à réfléchir aux nouvelles contraintes quant à vos méthodes de travail ainsi qu’aux tendances préconisées en aménagement. Cela pourrait avoir une répercussion sur l’avenir de votre entreprise. Il sera important de bien les interpréter et vous poser les bonnes questions, car toutes les organisations ne sont pas faites pour le même type de local. Que vous optiez pour un statu quo à moyen terme, une réduction de vos espaces ou peutêtre une expansion selon vos choix, une stratégie ciblée sur les enjeux propres à votre entreprise et vous ressemblant s’avèrera un facteur de succès important. Cela reste tout de même une belle occasion de s’arrêter pour cette réflexion et d’être proactif avant de remettre le pied sur l’accélérateur. Le fait est que les effectifs et les loyers (souvent le second poste de dépense après les salaires) seront directement influencés par les décisions prises, sans oublier la capacité de votre organisation à profiter des opportunités qui seront créées.

 

1 Référence : CNESST, Trousse COVID-19, Guide de normes sanitaires en milieu de travail – COVID-19, https://www.cnesst.gouv.qc.ca/salle-de-presse/covid-19/Pages/trousse.aspx

 

Jonathan Moisan, MBA,

Conseiller corporatif senior / Courtier immobilier commercial

Bender & associés, agence immobilière

 

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